Prendre soin de ceux qui prennent soin

Je prends le temps de partager avec vous un article qui n’a pas nécessairement de lien avec la sexologie, ni même directement avec mon métier de sage-femme, mais j’éprouvais le besoin d’en parler pour conscientiser sur l’engagement dont on fait preuve dans nos professions.

Lorsque l’on fait un métier qui a pour vocation de prendre soin des autres, c’est  souvent un métier que l’on a choisi et qui est une réelle passion. On s’y adonne avec amour et on arrive vite à ne plus compter les heures. On s’y investit corps et âme et la distance émotionnelle devient difficile à garder tellement l’intérêt pour aider les gens qui font appel à nous et nous font confiance est grandissant.

Les kinésithérapeutes, les psychologues, les sages-femmes, les médecins, les masseuses, les infirmières et celles et ceux qui pratiquent des métiers liés au bien-être vous diront qu’il est inévitable d’avoir une implication dans la relation  avec la  personne que l’on prend en charge.

Et pourtant ! Cette implication émotionnelle s’avère être assez délicate. Non seulement parce qu’elle nous déshumanise, mais parce qu’elle a tendance à faire oublier à nos patients que nous sommes aussi humain. Et par dessus tout, elle ne nous permet pas de mieux faire notre travail.
Nombreux.ses sont celles et ceux qui peinent à comprendre que nous avons aussi une vie de famille, et que nous avons aussi besoin d’un temps privé, qui se doit d’être impérativement respecté, même s'il est fréquent d’empiéter dessus.
Et lorsque ce temps n’est pas respecté, impliquant que nous n’avons pas posé le « soi » en priorité, c’est alors que notre corps commence à nous envoyer les signaux de fatigue, de stress, nous annonçant que nous approchons de la ligne rouge, celle à ne surtout pas franchir, au risque de difficilement revenir en arrière. Parce que c’est souvent dans ces conditions que la dépression ou le burn-out peuvent prendre place.
Ce déséquilibre nous annonce aussi qu’en plus d’avoir négligé sa personne,  nous avons négligé d’autres priorités au profit de plus de travail.
Se rendre compte que la corde s’apprête à casser, c’est réagir à temps. C’est prendre conscience qu’il est temps de reposer les limites du cadre et qu’il va falloir les respecter scrupuleusement. C’est aussi  l’alerte qui invite à s’appliquer des règles, pour soi et pour les autres. C’est s’imposer un agenda non-extensible. C’est se forcer à terminer à 17h comme convenu, et non pas intercaler une patiente qui annule son rendez-vous de 15h à 19h.


En France, une étude menée en 2019 faisait état que 42,3% des cliniciennes salariées, 31% des libérales, 37,5% des enseignantes et 65,7% des coordinatrices sont touchées par un épuisement professionnel. Les conditions de travail depuis la crise sanitaire n’ont rendu cette réalité que plus préoccupante.
Et pour cause, une autre étude a mis en avant le fait que 71% du personnel infirmier belge serait en risque de burn-out, contre 35% avant la crise.
Ces chiffres sont quelque peu révélateur de l’état de détresse ambiant que connaissent nos professions liées au médical et à la santé.

Soyons d’accord, de tels métiers nécessiteront fatalement un emploi du temps plus chargé, parce que l’on fait face à des détresses humaines, à des appels à l’aide, et à des situations d’urgence. Sauf que nous devons accepter que nous sommes en premier responsable de nous-même, et que pour prendre soin des autres, il faut pouvoir prendre soin de soi.
Il est donc impératif de s’accorder des moments de bien-être et de plaisir, de respecter sa pause pour prier à l’heure par exemple, ou de ne pas intercaler un rendez-vous à son heure de table et d’en profiter pour aller faire une balade. Il est aussi important de s’octroyer des jours de congé sans pour autant vérifier sa boite mail toutes les 2h.

Sentir que l’on est à bout, c’est savoir lever le pied et accepter que personne n’est indispensable.
C’est reculer pour mieux sauter et faire preuve d’égoïsme altruiste, comme je me plaît à le répéter si souvent à mes patients.
Mais il est tout aussi important que nos patients prennent conscience de cette réalité. Cette compréhension qui voudrait de ne pas forcer la main en suppliant d’avoir un rendez-vous parce que personne n’est disponible. C’est prendre conscience qu’il n’est pas sain de jouer sur la culpabilité des professionnels de la santé, qui sont parfois eux-même au bord de l’épuisement et au plus mal.
C’est aussi comprendre que ces personnes sont aussi des humains et qu’il faut les respecter dans leurs limites.


Enfin, autant que ces professionnel.le.s de la santé vous font du bien ou vous ont accompagné à un moment de votre vie, peu importe le domaine, je ne peux que vous inviter à leur adresser une petite marque de soutien ou de reconnaissance  par un message, une carte ou un petit mot. Ça peut paraître tellement anodin mais ce sont des choses qui ne coûtent rien et qui font du bien. Elles peuvent être une bouffée d’air dans un moment où la personne éprouve peut-être des difficultés dans le rythme intense de sa journée et qui lui permettront de continuer plus sereine.