Enceinte ou allaitante : qu'en est-il du jeûne ?

Jeûner en étant enceinte ou en allaitant peut être problématique pour certaines femmes. Et pas pour d'autres. Voici quelques informations quant aux différents effets possibles du jeûne sur la grossesse et l'allaitement. 

 Chaque année, au début du mois béni de Ramadan (9ème mois du calendrier hégirien,calendrier lunaire) les mêmes questions reviennent :

-«  je suis enceinte, dois-je jeûner ? »

- « j’allaite mon enfant de 3 mois,dois-je jeûner ? »

- « j’allaite mon enfant de 18 mois,dois-je jeûner ? »

 Je ne me pose pas ici en tant que représentante religieuse, théologienne, ou jurisconsulte. Ici je parle en tant que sage-femme. En tant que professionnelle de la santé, préserver cette dernière est mon objectif. Pour le cas des femmes enceintes, je tâche de veiller à leur bien-être ainsi qu’à la bonne évolution de la grossesse, et par conséquent au bien-être fœtal. Pour les femmes ayant accouché, il s’agit de veiller au bien-être de la mère et du bébé, en surveillant notamment le bon déroulement de l’allaitement.

Cette année a quelque chose de spécial car nous sommes confinés, le mental peut prendre un coup, car coupée de ses relations sociales, la femme enceinte ou ayant accouché se retrouve isolée, sans les siens. Sans cette aide familiale, qui la soulagerait tant, en temps normal.

L’individu ayant des croyances, celles-ci peuvent diriger ses choix dans sa vie quotidienne, et également en matière de santé. C’est pour cela que cet article me paraît plus qu’important.

 

Grossesse et jeûne

Le jeûne du mois de Ramadan est un des cinq piliers de l’Islam. Il consiste à s’abstenir de boire, manger et avoir des rapports intimes. C’est une obligation pour tout musulman mis à part quelques catégories. La femme enceinte et allaitante en fait partie si elle craint pour sa santé et/ou celle de son fœtus/bébé.

La question du jeûne lors de la grossesse et de l’allaitement doit être posée car la période de jeûne va varier en fonction du temps et de l’espace. Le calendrier hégirien étant lunaire, la période de jeûne sera décalée chaque année de plus ou moins 10 jours, faisant passer les journées de jeûne de quelques heures à près de 18h durant les périodes estivales.

Plusieurs études ont été menées en Europe et aux États-Unis pour voir l'effet du jeûne sur la femme et sur le fœtus dans un premier temps et l'enfant une fois plus grand. Les études comparant des groupes de femmes ayant jeûné avec d'autres femmes n'ayant pas jeûné, n'ont pas montré de différence significative sur l'état de bien-être de la maman, le poids de naissance du bébé ainsi que le développement intellectuel de l'enfant une fois adolescent.

 Plusieurs points sont tout de même à souligner :

L'état de santé de la femme enceinte est capital. Si elle souffre d'une pathologie quelconque les études montrent que le jeûne peut aggraver celle-ci, notamment si le traitement nécessite d’être pris 3 fois par jour.

Le diabète insulinodépendant nécessite aussi de boire et de manger afin de ne pas le déséquilibrer avec tous les risques que l'on connaît chez la mère et le fœtus. L'état nutritionnel de la femme est tout aussi important. Il est donc judicieux pour la femme enceinte qui souhaite jeûner, de faire un bilan nutritionnel en amont du mois de Ramadan pour voir quels apports vitaminiques et en minéraux prendre, afin de pallier aumieux à d'éventuelles carences.

Les 2 repas (iftar et souhour) lors des journées de jeûne doivent être scrupuleusement pris et l'apport hydrique doit être adapté. Il est à noter que les études ont montré une diminution des mouvements fœtaux lors du jeûne, qui revenaient à la normale une fois le repas de rupture pris.

Tout ceci doit bien évidemment être pris en compte en parallèle de l'activité de la femme enceinte. La charge de travail domestique et/ou à l'extérieur de la maison doit être prise en compte.

Au moindre signe de fatigue, de mal de tête, decontraction utérine (ventre qui durcit, douleur au-dessus du pubis), le jeûnedoit être rompu et une consultation chez votre sage-femme ou votre médecin doitêtre programmée au plus vite.

 

Allaitement et jeûne

 

L'allaitement maternel peut être exclusif ou mixte. Il est dépendant de deux facteurs : la production et la stimulation.

La production de lait maternel est elle-même dépendante de plusieurs facteurs dont : l'état de santé de la femme, son apport hydrique, son alimentation, son état de fatigue et son stress.

La stimulation va elle dépendre de la fréquence des tétées et de leur qualité. La fréquence est de plus ou moins 6 à 8 fois par 24h les premières semaines, ce qui correspond (quand tout va bien) au nombre de tétées quand l'allaitement à la demande est choisi.

 La qualité des tétées varie en fonction de la position du nourrisson/bébé, de sa capacité à faire un mouvement de succion adéquat. Ceci peut être observé quand :

- Il y a des mouvements de déglutition,

- Bébé est apaisé après la tétée

- Bébé urine plusieurs fois sur la journée

- Bébé a des périodes de sommeil deplusieurs heures sur 24h (certains bébés dorment 15h/j d'autres jusqu'à 20h/j)

- Bébé prend du poids

Le lait maternel étant constitué à plus de 80% d'eau, il serait logique de penser qu'une femme allaitante verrait d'office sa production de lait diminuer en cas de jeûne. Ceci est d'autant plus probable quand le bébé est très jeune, comparé à un bébé de plus de 6 mois (qui aurait commencé la diversification alimentaire).

Ainsi, il en va du choix et de la responsabilité de la mère. Au moindre signe de fatigue, d'infection urinaire (douleur sus-pubienne, douleur au niveau des reins, urines concentrées), de malaise, la femme doit s'hydrater et manger.

L'apport hydrique quotidien d'une femme allaitante est d'environ 2 litres. L'apport nutritionnel est également important, d'où le fait de bien fractionner les repas la nuit et deprendre des compléments alimentaires si nécessaire. 

Vous l’aurez compris, il s’agit de prendre une décision au cas par cas. Certaines femmes pourraient tout à fait allaiter, et ne voir aucune modification quant à la quantité de lait produite, et d’autres verront leur production fortement diminuer.

Autre point important : la pression sociale. « Ma mère me dit qu’elle avait jeûné en étant enceinte de moi, et elle ne comprend pas ma décision de ne pas jeûner alors que je suis enceinte de 7mois ». Autre témoignage reçu « Ma belle-sœur et moi avons accouché à la même période, nos bébés ont 4 mois, elle a décidé de jeuner, mais pas moi, j’ai vraiment peur de mettre mon allaitement en péril ». Autant de confidences qui poussent à réfléchir. Le jeune est un acte cultuel, réalisé uniquement pour Dieu, et dont la récompense est connue uniquement de Dieu. Si vous vous sentez capable de jeûner sans vous mettre en danger ni votre bébé, alors jeûnez. Sinon, écoutez-vous, et rappelez-vous qu’il n’y a nulle contrainte en religion, et Dieu sait ce qu’il y a dans nos cœurs.

 Je nous souhaite à toutes et tous un bon mois de Ramadan, plein de spiritualité, de réforme intérieure, d’apaisement, et plein de bons moments, malgré le confinement.

Je vous invite à vous procurer au plus vite une pépite : le livre de Dr Nadia M. intitulé Guide du Ramadan optimal. Plein de bons conseils pour vivre au mieux la période de jeûne, avec une approche innovante : l’écologie et la spiritualité, une belle découverte !

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Étude sur le sujet : Source :https://www.em-consulte.com/en/article/287837